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Saint-Tropez, la nouvelle vague
Prisé par les jet-setteur·euses et les yachts 24 carats, cet ancien village de pêcheurs de la Côte d’Azur part à la reconquête de son authenticité sous l’impulsion d’une jeune génération d’entrepreneur·euses résolu·es à lui rendre un visage provençal. Et ça fonctionne.
Pas un été sans son reportage télévisé sur la jet-set en goguette à Saint-Tropez, son port envahi de badauds et son ballet de yachts démesurés. Ni d’été d’ailleurs sans une énième rediffusion de l’un des volets du Gendarme de Saint-Tropez. Mais loin de cette image coincée entre clichés bling-bling et passé désuet, le village légendaire de la Côte d’Azur est aujourd’hui porté par un nouveau souffle.
Ses responsables ? Une jeune génération d’hôteliers et de restaurateurs mais aussi d’enfants d’habitués qui cherchent à retrouver l’esprit des vacances de leur jeunesse.
Si les palaces ultra-luxueux et les soirées arrosées aux jéroboams de champagne restent incontournables, d’autres lieux au chic moins ostentatoire, plus cool aussi (re)trouvent leur place. Ainsi des hôtels comme le Lou Pinet avec son luxe chaleureux et le plus confidentiel Yaca à l’élégance raffinée mais aussi des restaurants et des bars de plage à l’atmosphère moins guindée (et à la musique moins assourdissante). Sans compter l’annonce surprise de l’ouverture le 25 juin dernier de To Share, le café-restaurant street food du chef Jean Imbert et du chanteur Pharrell Williams.
"Adolescente, j’aimais aller à Saint-Tropez. Il y avait encore cet esprit Brigitte Bardot des années 50. Mais ces quinze dernières années, le village filait un mauvais coton : la taille des yachts garés sur le port, le mythique troquet Senequier refait par un architecte, les boutiques parfois tapageuses... raconte la globe-trotteuse Alexandra Senes, fondatrice de la marque Kilomètre Paris. J’y suis retournée récemment et on sent que le côté sauvage est en train de revenir. Aux manettes de ce renouveau, une génération de trentenaires qui ne veulent pas dupliquer les codes parisiens mais garder cet esprit du sud." Fin août, elle y a même réservé une maison.
Et ce ne sera pas la seule Française à poser ses valises dans ce village qui oscille entre quelque 4 600 habitants l’année et 80 000 visiteurs l’été. Vacances post-Covid 19 obligent, Saint-Trop’ s’apprête à vivre une saison un peu différente avec moins d’Américains et de Russes fans de son faste, mais aussi le retour de Français qui préféraient habituellement voyager à l’étranger.
"Longtemps, les restaurateurs se sont reposés sur leurs lauriers et ils ont fini par être concurrencés par des destinations comme Ibiza et Mykonos. Ils ont pris conscience qu’il fallait proposer autre chose qu’une tomate-mozzarella à 30 €", affirme Tobias Chaix, à la tête du groupe Indie monté avec deux amis du coin.
Ce natif de Saint-Tropez incarne cette nouvelle veine d’entrepreneurs. Avec Indie Beach House, il a renouvelé le bar de plage tropézien : déco sauvage avec murs à la chaux et plantes grasses, serveurs en sarouels, musique spirituelle.
"Après avoir fait nos armes à l’étranger, on est revenus parce qu’il y avait un créneau à prendre, il n’y avait pas ce genre d’offres plus cool". Ce qui a permis à cette nouvelle génération de pénétrer le cénacle du business tropézien ? La loi littoral et le renouvellement des concessions en 2018 qui ont transformé la mythique plage de Pampelonne.
Aujourd’hui, on est en quête de sens. Quand on vient ici, on cherche les codes de la Provence, pas ceux de Bali
Le nouveau schéma d’aménagement a réduit le nombre de plagistes et les a aussi fait reculer. Résultat : on peut désormais se balader sur le banc de sable sans débourser des dizaines d’euros pour un transat et boire un verre dans un décor qui ne ressemble pas (tant que ça) à un restaurant parisien.
"Aujourd’hui, on est en quête de sens. Quand on vient ici, on cherche les codes de la Provence, pas ceux de Bali", notent avec justesse les sœurs Kimberley Pariente et Leslie Kouhana qui dirigent le groupe hôtelier Maisons Pariente avec leur père.
Enfants, elles ont passé tous leurs étés à Saint-Tropez, et comme beaucoup d’habitué·es, elles parlent avec nostalgie d’un village convivial, élégant et bohème chic resté gravé dans leur mémoire : "Ces quinze dernières années, Saint-Tropez avait pris une tournure bling, plus jet-set, avec beaucoup de touristes étrangers. En parallèle, les hôtels mythiques vieillissaient en vivant sur leurs acquis. Aujourd’hui, le renouveau s’accompagne de la remise en avant des valeurs qui ont fait le succès de Saint-Tropez."
Et c’est dans cet esprit qu’elles ont repris l’hôtel historique Lou Pinet : atmosphère conviviale façon maison de famille avec sols en terre cuite, rideaux en lin, céramiques.
Un même esprit souffle sur les dix cabanons de l’hôtel Epi 1959 inauguré dans les années 60 par l’industriel Albert Debarge et Jean Castel, personnage des nuits parisiennes.
Avec sa décoration vintage et son terrain de pétanque, l’établissement, en rénovation cet été, incarne ce luxe ni standardisé ni guindé. Une forme de simplicité toujours de bon goût, qui convoque les grandes heures de ce petit port français où les pointus de pêcheurs ont longtemps été les seuls bateaux amarrés.
L'éditeur Assouline vient d’ailleurs d’éditer un beau livre qui retrace cette histoire et où on croise aussi bien des images de Brigitte Bardot et Jane Birkin que de Charles Aznavour et Françoise Sagan. Ainsi que des citations d’habitué·es comme celle de l’écrivaine Colette qui y possédait une maison provençale : "Aucune route ne traverse Saint-Tropez. Il n’y en a qu’une qui vous mène au village, mais pas plus loin. Si vous voulez repartir, il faut rebrousser chemin. Mais voudrez-vous repartir ?"
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