Saint-Tropez, histoire secrète d'un petit port de pêche (Infrarouge le 3 septembre).
Quand on parle de Saint-Tropez, on pense tout de suite Brigitte Bardot, milliardaires, hordes de touristes et stars dénudées. Le cliché, le stéréotype. Sous les flashs, les strass, le fric et les photos choc, l'ancien "petit port de pêche" étouffe. Prenant à contrepied le "Saint Trop' " des marronniers de la télévision, le réalisateur Stéphane Bentura a choisi un autre point de vue : celui des Tropéziens.
Dans un document à voir le mardi 3 septembre à 22h30 sur France 2. Case Infrarouge.
D’abord, pourquoi Saint-Tropez plutôt qu’ailleurs ? A cause de la beauté des lieux bien sur, mais surtout grâce à la vie simple et festive des Tropéziens que les premiers « estrangers » ont adorée et voulaient préserver à tout prix. Il faut écouter Marius Bonnacorsi, 97 ans raconter comment il séduisait les femmes. Un « beau gosse » qui faisait craquer des admiratrices enflammées. La manne touristique a peu à peu apporté la prospérité aux Tropéziens. Ce sont eux qui ont tenu les haut-lieux du village comme « le Gorille » ou le « Café des Arts ».
Combien de temps a duré cet équilibre ? La bascule, ce sont les années 1980. Les années fric, celles des promoteurs immobiliers sans vergogne. Saint-Tropez est devenue une proie. Le RPR a mis la main sur la mairie. Les Tropéziens se sont divisés sur l’avenir de leur village. Hors saison, chaque élection municipale est devenue un Clochemerle, une bataille de rues. Les scandales immobiliers ont succédé aux querelles sans fin. Les trois maires se succèdent devant la caméra, comme ils se sont succédé de 1983 à aujourd’hui : Jean-Michel Couve, Alain Spada et Jean-Pierre Tuveri.
De quelle manière un village simple, convivial et bon marché s’est-il transformé en un village de luxe connu du monde entier ? Comment les "beaux voyous" du banditisme parviennent-ils à se faire une place dans la jet-set ? A qui appartiennent les Sociétés Civiles Immobilières (SCI) qui rachètent le village ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles répond ce documentaire, avec l'ambition de raconter une autre histoire de Saint-Tropez, la vraie.
Note d’intention de Stéphane Bentura :
"La première fois que je me suis intéressé à Saint-Tropez, c’était pendant l’élection municipale de 2001. J’avais été sidéré par le décalage entre l’image de fête et de farniente, propagée dans le monde entier par les médias en été, et l’importance des enjeux en coulisses, le « choix de société » que constituait cette élection locale pour les Tropéziens entre eux, hors saison.
Comment en étaient-ils arrivés à cette ambiance à « couteaux tirés » ? De quelle manière le village « le plus connu du monde » vivait en fait une histoire totalement méconnue ?
Ce documentaire, je l'ai conçu comme le making of non-autorisé de Saint-Tropez, à contrepied des images de papier glacé du mythe figé d’aujourd’hui.
En hiver, la vitrine Saint-Trop’ ferme et Saint-Tropez redevient Saint-Tropez. Ou ce qu’il en reste. La lumière du hors saison fait revivre l’âme du port, des ruelles, de la Place des Lices et des décors naturels de la presqu’île. J’ai choisi une caméra HD que l’on utilise en fiction, afin de préserver une unité avec la texture « film » des images d’archives et aussi pour donner un côté intemporel aux interviews, aux ellipses et aux séquences. La qualité de la HD permet de ressentir la beauté des lieux et de la lumière, pour mieux comprendre les assauts de la promotion immobilière de luxe sur ce territoire à partir des années 1980. Pour comprendre le mythe et ses défauts.
Saint-Tropez est comme un enfant filmé en permanence par des parents envahissants : la télévision et le cinéma. Peu de villages en France ont été autant filmés. Plusieurs reportages donnent la parole aux Tropéziens. Dès les années 1970, des Tropéziens s’inquiètent pour leur avenir. Revit devant vous un coin de France où l’on a la langue bien pendue, et où on se pose très tôt la question des avantages et des inconvénients de la renommée naissante. Les Tropéziens ont encore un moment qui n’appartient qu’à eux : la Bravade. Fin mai, un défilé militaro-religieux auquel n’ont droit de participer que les Tropéziens de souche. Uniformes bleus et rouges, coups de tromblons bruyants et fumants : cette Bravade est le symbole de la résistance de leur identité.
Les premiers rôles de ce documentaire, ce sont les figures locales du village, dont la trajectoire elle-même est à l’image du destin du village. Une comedia dell’Arte qui commence libre, joyeuse, mélangée socialement, mais qui est peu à peu dénaturée, récupérée. Jusqu’à ce que les « spectateurs » venus de l’extérieur rachètent le théâtre et qu’ils le transforment en une sorte de parc d’attractions, bien différent de la pièce originale : comment les « prolétaires » ont été dépossédés de leur village par les milliardaires.
L’histoire de Saint-Tropez raconte plus que Saint-Tropez : son destin raconte l’évolution d’une époque, de l’insouciance de l’après guerre à l’argent roi de la mondialisation."
Produit par Luc Hermann.
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