« Même handicapé, on peut continuer à faire des choses »
C'est avec deux ordinateurs munis d'écran très grand que Pat Loffredi arrive à travailler et à faire ses traductions.
Qui n'a pas croisé au moins une fois Pat Loffredi ?
Lunettes noires et canne électronique à la main, elle marche dans les rues, d'un pas alerte.
Qui croirait que cette femme de caractère est non-voyante ? Et pourtant, elle est atteinte d'une cécité quasi complète.
Seul l'un de ses yeux fonctionne encore, à peine. Un soupçon de lumière qu'elle a décidé d'utiliser à son maximum.
Une lueur, qui lui permet encore de travailler, à son compte. Il y a deux ans, elle a en effet déposé des statuts d'auto-entrepreneur, et fait depuis des traductions de textes. En effet, Pat Loffredi parle six langues étrangères*.
Secrétaire de l'association des non et mal voyants du golfe «La main sur l'épaule», aux côtés du président Patrick Navez, elle est un exemple de ténacité et de rage de vaincre son handicap.
Elle n'est en effet pas aveugle de naissance. Certes, elle a toujours été très myope mais fut un temps où, même très mal, elle voyait. Hélas, son handicap s'est aggravé jusqu'à lui enlever quasiment la vue.
Après avoir beaucoup voyagé avec son mari et fait quatre enfants, elle qui avait passé son enfance à Saint-Tropez est revenue s'y installer en 1978 avec sa famille. Dans les années quatre-vingt-dix, il lui a fallu se mettre à travailler.
Garderie animale et visites guidées
La ville l'a d'abord employée sur le site de gardiennage des chiens qui était alors installé au parking du port.
« Les étrangers étaient heureux que je puisse parler dans leur langue à leurs chiens qui me comprenaient!» dit-elle avec humour. On lui proposa ensuite d'être gardienne au musée de l'Annonciade. « C'était un peu bizarre car, étant presque aveugle, je ne pouvais pas surveiller grand-chose ».
Enfin, le directeur de l'office de tourisme de l'époque, Benôit Rémy, accepta de lui confier la mise sur pied des visites guidées de la ville. Formation des guides, réalisation des circuits, ce travail intellectuel lui laisse un très bon souvenir.
Pat Loffredi a fini sa carrière à la mairie où elle a contribué à l'élaboration du site Internet de la ville. C'est en 2009, hélas, qu'elle a complètement perdu l'usage de son œil gauche, l'obligeant à prendre sa retraite.
Je tiens à mon indépendance
Depuis deux ans donc, elle a décidé de ne pas laisser le sort avoir raison d'elle.
Des séances d'orthoptie optimisent ce qui lui reste de vue, et deux écrans géants d'ordinateur dans son bureau, lui permettent de faire ses traductions (1).
Les textes en français sont d'une grosseur démultipliée. Pat doit déchiffrer presque lettre à lettre, le nez quasiment collé sur l'écran et mémoriser des phrases entières qu'elle traduit ensuite rapidement sur l'autre ordinateur.
Ayant eu une formation de dactylo à une époque où on ne devait pas regarder son clavier, elle peut donc écrire son texte assez facilement.
La relecture se fait là encore, lettre à lettre. « Je peux tout traduire, sauf, ce qui est technique juridique ou médical. J'ai besoin de travailler. J'ai deux de mes enfants qui font encore des études universitaires. Et puis je tiens à mon indépendance. Même si je ne vois pas, j'ai une capacité intellectuelle que je veux mettre à profit. Si j'avais un message à faire passer, c'est que même si on est handicapé, on peut continuer à faire des choses, et ce quel que soit le handicap. »
Et Pat Loffredi de revenir d'une façon générale sur son handicap : « Quand on a un sens qui ne marche pas, tous les autres se développent : l'ouïe, le toucher l'odorat. Mes doigts sont devenus mes yeux. Et j'ai un bon sens du repérage dans l'espace. Si les rayons ne sont pas bouleversés tous les jours, je peux très bien faire mes courses au supermarché. La clé de tout cela, c'est aussi la mémoire.»
Avec sa canne électronique, Pat marche aussi vite que n'importe qui. Même si elle concède que les valides et les handicapés vivent dans deux mondes parallèles qui se comprennent mal, elle a décidé de faire fi de sa cécité, et de composer avec elle pour continuer à vivre au même rythme que les autres, ou presque
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