La grogne des plagistes de Saint-Tropez
Ils s'élèvent contre le futur réaménagement de la plage de Pampelonne, classée site naturel remarquable.
«Si on nous réduit notre concession de plage, on va mourir!» Patrice de Colmont, le propriétaire du mythique Club 55, le restaurant-bar-plage privée historique de Pampelonne, le premier créé en 1954, sur cette plage de Ramatuelle, à côté deSaint-Tropez, ne décolère pas. «Avec ce qu'on nous prépare, ça n'aura plus d'intérêt… je ferai du restaurant ma maison et j'y prendrai ma retraite.»
Comme les vingt-six autres plagistes de cette plage de 4,5 km, il est vent debout à cause du schéma d'aménagement de la plage conçu par la commune de Ramatuelle.
Le moment est crucial. Le schéma est en phase d'enquête publique jusqu'au 19 juillet. C'est le moment pour tous les acteurs concernés de faire entendre leur voix. Une conférence de presse des plagistes est prévue ce lundi pour exposer leurs actions.
«Physiquement, la plage est en danger. On n'a pas le choix. Cela fait plus de vingt ans que ça dure», assure Roland Bruno, le maire de Ramatuelle. «La plage ayant été classée site naturel remarquable, tout aurait du être démoli. Nous avons obtenu l'amendement Gaïa qui nous permet de maintenir des plagistes mais l'État nous impose de faire ce schéma», insiste l'élu. Un premier projet avait été élaboré, mais le Grenelle de l'environnement a ajouté de nouvelles contraintes. Il a donc fallu revoir la copie.
Les établissements de plus en plus exposés aux tempêtes
L'objectif du schéma est d'empêcher l'érosion de la plage, de reconstituer le cordon dunaire et de protéger le biotope mis à mal par une forte fréquentation. Il définit donc des zones de protection de la nature et d'autres où les établissements de plage pourront être installés, zones qui ne sont pas les même qu'aujourd'hui, tous les restaurants devant être reculés pour dégager la plage. «Ce n'est que lors des appels d'offres pour attribuer les concessions que la taille des lots sera déterminée», précise le maire qui s'efforce de «concilier problématiques environnementales et économiques».
Le problème est que la loi impose une réduction de la surface de plage occupée par les restaurants, bars, boutiques et matelas de 30% à 20%. Du coup, il ne pourra subsister que 23 établissements contre 27 aujourd'hui. Surtout, le schéma impose leur démolition totale et une reconstruction en structures totalement démontables.
«Cela veut dire que l'entreprise Pampelonne qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 42 millions d'euros et emploie 800 personnes en saison va être rasée d'un trait de plume. On ne tient pas compte des 60 ans de la plage qui fait partie intégrante du mythe de Saint-Tropez», s'insurge Jean-Claude Moreu, patron des Jumeaux et président des exploitants de plages de Pampelonne.
Pour le maire, il faut en passer par là car les établissements sont de plus en plus exposés aux tempêtes et les vagues emportent le sable là où il y a des restaurants. Mais il se veut rassurant en indiquant que l'aménagement se fera par étapes.
«Comme il y a une forte demande, l'offre étant réduite, les prix seront plus élevés», ajoute Moreu. «Aujourd'hui, il y en a pour tous les styles et tous les budgets, avec des restaurants devant les campings, d'autres au caractère plus familial et ceux pour les milliardaires. Lors des appels d'offres, ce sont des groupes ou des investisseurs qui l'emporteront. On ne pourra pas rivaliser financièrement…», s'inquiète le plagiste qui a fait ses comptes. La démolition va coûter selon la taille de 500 à 600.000 euros et la reconstruction de 650.000 à 1 million d'euros, «des investissements qui compte tenu de la durée des concessions ne permettront pas aux entreprises d'être viables», estime Moreu.
Les usagers sont partagés: «C'est bien de préserver le site de l'érosion, de réhabiliter le cordon dunaire et de réaménager les parkings mais le schéma est trop théorique. Il aurait fallu partir de l'existant et, ponctuellement, transformer ce qui ne va pas. Tout démolir pour reconstruire, c'est une gabegie», note Pierre Grange, président de l'association Les amis de Ramatuelle. Ce n'est pas l'avis des écologistes: «Nous sommes opposés à certaines thèses intégristes mais nous voulons l'application de la loi qui a longtemps été bafouée», assure ainsi Henri Bonhomme, de l'UDVN 83.
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