Braque et Laurens, quatre décennies d’art partagé
Le Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez orchestre un dialogue, inédit et émouvant, entre la peinture de Georges Braque et la sculpture d’Henri Laurens.
Georges Braque La Toilette devant la fenêtre (huile sur toile, 1942) / Coll. du Centre Pompidou...
Pour passer sereinement de l’été à l’automne, le visiteur en promenade à Saint-Tropez sera bien avisé de pousser la porte de la délicieuse chapelle de l’Annonciade. Posée sur le port tropézien, transformée en musée en 1955, elle accueille jusqu’au 8 octobre l’exposition « Georges Braque & Henri Laurens, quarante ans d’amitié ».
La fraîcheur heureuse de l’édifice s’offre d’ordinaire aux peintres des couleurs. Signac, Seurat et Marquet font exploser les rouges, les bleus et les ors d’un éternel été, au premier étage, voué à la collection permanente. Au rez-de-chaussée, la palette automnale de l’exposition temporaire tranche. Des bruns, des ocres, des bronzes, des verts sapin, des bleus nuit…
Dans ce dialogue inédit entre le peintre Braque (1882-1963) et le sculpteur Laurens (1885-1954), ce camaïeu plus obscur laisse percer des émotions subtiles et sans ostentation. Celles de « deux hommes très humbles, pas mondains », rappelle Jean-Paul Monery, le conservateur et directeur de l’Annonciade.
Guidé par l’esthétique de l’ensemble
Les artistes – dont les deux épouses se connaissaient depuis la pension – se rencontrent à Paris, en 1911, et ne se quittent plus. Dans la chapelle, leurs œuvres voisinent dans un cousinage évident. Jean-Paul Monery, qui pilote ici sa dernière exposition, en a eu l’idée face à deux pièces presque jumelles : un compotier avec grappe de raisin et verre, signé Georges Braque en 1919 ; auquel répond, comme un frère, un bas-relief que réalise Henri Laurens en 1922.
Pourtant, l’intérêt de l’exposition vient de ce qu’elle ne cherche pas à forcer le trait de cette communion. L’accrochage est guidé par « l’esthétique de l’ensemble », souligne le conservateur.
Pochoirs, collages, textes
Le déroulé, peu ou prou chronologique, part du cubisme que les deux hommes ont exploré au début du siècle dernier. Braque, en pionnier, est de ceux qui en inventent les codes : le pochoir, le collage, le texte qui s’invite dans la peinture. Laurens, lui, suit, par exemple dans cette Tête de femme (fusain sur papier collé) de 1917.
Réduire Henri Laurens à un disciple de Georges Braque ne serait cependant pas justice. Le parti pris de Jean-Paul Monery est d’ailleurs de « donner à voir comment chacun avance après la période cubiste en suivant deux trajectoires parallèles, mais distinctes ».
Un éloignement commun du cubisme
Les 67 œuvres exposées (issues de musées nationaux, de galeries et de collections privées) révèlent cette recherche que chacun nourrit. L’un comme l’autre abandonnent peu à peu le vocabulaire cubiste. La fluidité des courbes des Canéphores, ces porteuses de corbeilles antiques, de Braque (1922) renvoie au magnifique Nu couché à la draperie de Laurens (1927) ou à une Femme agenouillée, gironde et sensuelle.
Laurens s’émancipe. La Seconde Guerre mondiale passe par là. Ses sculptures se replient, s’étirent, osent des anatomies altérées et particulièrement expressives. Braque, aussi, évolue. Bien loin des natures mortes cubistes, un épuré et éclatant Champ de colza, puis une charrue dépouillée à l’extrême, à l’épaisse matière, annoncent son ultime toile, La Sarcleuse (1962).
L’exposition évite le piège d’une association plastique systématique et artificielle. Mais elle révèle une proximité intellectuelle émouvante entre deux artistes unis dans une infatigable quête formelle.
Jusqu’au 8 octobre. Rens. : 04.94.17.84.10.
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